J'ai lu la version initiale de Tournament Poker for Advanced Players de 2002, qui est clairement un livre de l'ère préMoneymaker. Les champs étaient petits, plutôt homogènes, plutôt forts. La seconde édition de 2007, que je n'ai pas lue, est censée inclure davantage d'exemples de no-limit hold'em, mais ne remet pas en cause les principes fondamentaux de Sklansky, notamment le concept de l'écart (ou du fossé), alias gap concept.
Ce principe dit qu'"il faut avoir une main plus forte (dans un range donné) pour payer une mise qu'il n'en faut (dans le même range donné) pour ouvrir par une mise." C'est un concept de hold'em limit : si votre adversaire (sur une table complète) relance UTG (ce qu'il fera avec {AA-JJ/AK}), il est mauvais de vouloir rentrer dans le coup avec JJ, qui a le plus mauvais résultat contre ce range. La mesure de l'écart dépend du range de l'adversaire, et donc de son style de jeu. L'écart sera parfois nul lorsque l'adversaire est très loose, et qu'il relance bien plus souvent dans une position donnée que la fréquence des mains qu'il est censé jouer le lui permet.
J'ai mis très longtemps à me rendre compte que le gap concept était un principe qu'il fallait complètement remettre en cause et, le cas échant, jeter aux orties. Cela m'a pris un certain nombre de discussions théoriques avec vieto, sur de longs trajets en voiture. Mon expérience était liée au cash game full ring deepstack et aux tournois à structure très lente. Son expérience était liée aux cash game shorthanded deepstack et aux tournois à structure moyenne. Alors, quelles différences dans nos points de vue? La position a bien plus de valeur que le gap concept : plus on est proche du bouton, plus on doit élargir sa range (alors que le gap concept dit que si on paie un mec qui a relancé UTG, on doit avoir plus serré que son range à lui). L'agressivité en position a bien plus de valeur que le gap concept : Sklansky ne remarque d'ailleurs pas que son gap concept va à l'encontre de son théorème fondamental du poker (qui lui, est tout à fait valable) : si tu vois les cartes adverses et que tu sais que tu as une meilleure main que lui, alors tu dois non pas payer (gap concept), mais relancer (théorème fondamental du poker).
Pour en revenir au livre, il y a deux ou trois articles intéressants qui expliquent l'extrême distorsion due au tournoi :
- comment passer les As préflop lorsqu'on est loin derrière en jetons et que trois joueurs sont partis à tapis en table finale;
- comment passer les Dames préflop lorsqu'on est chip leader à la bulle et qu'un petit tapis a fait tapis devant vous;
- comment faire des deals en TF.
Un autre principe décrit dans ce livre à remettre absolument en cause est le principe du "plus tu as de jetons moins ils ont de valeur, moins tu as de jetons plus ils ont de valeur". En phase éloignée des prix, rien ne saurait être plus faux. La valeur des jetons change en cours de tournoi, mais absolument pas selon le mécanisme expliqué par Sklansky et Malmuth. Si j'ai le courage, je ferai un article à ce sujet sur mon blog, mais pas maintenant.
Conclusion : Un bon livre de l'ère préMoneymaker. A ne pas recommander à un joueur qui espérerait y trouver "comment jouer telle main à tel moment du tournoi". Aujourd'hui, de nombreux principes de ce livre peuvent être remis en question, d'autres stratégies de jeu ont apporté d'autres réponses aux mêmes questions.