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 Entretien avec un Maître de conférences en probabilités

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Leprechaun
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Leprechaun


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MessageSujet: Entretien avec un Maître de conférences en probabilités   Entretien avec un Maître de conférences en probabilités EmptyMer 2 Nov 2011 - 16:39

Formule Poker a décidé de demander à un mathématicien, un expert Maître de confiances en Probabilités, ayant qui plus est quelques notions de poker, d’expliquer les grandes lignes des lois mathématiques qui régissent les informations statistiques qu’un joueur de poker est amené à manipuler tout au long de ses parties. Généralement, le joueur sérieux connait « ses stats », « ses probas », mais il ne sait pas toujours ce que sont les grandes règles mathématiques qui encadrent ce foisonnement de chiffres. Même connaisseur des probabilités, devant la dureté de plusieurs bad beat, devant l’impression qu’il peut ressentir que le hasard est « injuste » avec lui, le joueur n’a souvent qu’un pas à faire avant de se mettre à douter de la rationalité mathématique ; première étape d’une forme de tilt passif qui éloigne de son A-game. Ici, Raphaël L., notre mathématicien, explique que tout ce qui arrive à une table, aussi étrange que cela puisse paraître, relève de règles mathématiques totalement normales. Une normalité compliquée, néanmoins, ce qui explique que le commun des mortels la trouve en réalité … anormale, étrange, suspecte. Immersion de l’autre côté des chiffres …

http://www.formulepoker.info/1809mathematiques-poker-entretiens-avec-maitre-de-conferences-en-probabilites/

Puisqu’il faut bien commencer par le début, pouvez-nous préciser ce que revêt exactement le concept de « probabilités », et quelles sont les grandes règles mathématiques qui le régissent ?

Les probabilités sont littéralement l’ « étude de systèmes aléatoires« , mais plus généralement on pourrait définir ça comme la manière d’optimiser l’information que l’on a sur un système qui comporte une part d’aléatoire (ou inconnu) et une part de connu. Pour ce qui est d’obtenir des résultats chiffrés, il existe plus ou moins deux catégories de résultats. Le premier est appelé « la loi des grands nombres », et concerne l’estimation du résultat moyen: Si l’on fait la moyenne d’un grand nombre de manifestations indépendantes d’un même phénomène aléatoire (quantifié), alors on aura un nombre pas aléatoire (ou très peu), je peux par exemple affirmer que si je lance 1000 fois une pièce en l’air, que je compte 1 à chaque fois qu’elle tombe sur pile, et que je divise le résultat total par 1000, alors j’obtiendrai plus ou moins 1/2. De manière équivalente, si je suis all-in avec As-As contre un adversaire qui a 7-2 avec un tapis de $1000, au bout de 1000 coups j’aurai en moyenne gagné plus ou moins 880$/coup (reflet de l’espérance de gain de AA contre 7-2 arrondie = 88%). Un autre type de résultat fondamental est le « théorème central limite », qui étudie la variabilité de l’estimation donnée par la loi des grands nombres, c’est-à-dire qu’il permet de dire combien vaut le « plus ou moins » dans les phrases précédentes, c’est une manière d’estimer la fiabilité d’une telle prédiction.

En suivant les règles probabilistes, est-il possible de quantifier absolument tout, où admet-on l’existence de situations où trop d’éléments manquent pour qu’il soit permis d’avancer une estimation sérieuse ?

Est-ce que par estimation sérieuse vous entendez une faible variabilité ou une variabilité connue? Je peux toujours dire que le résultat d’un dé à 6 faces sera 3,5 plus ou moins 2,5. C’est une estimation exacte mais cela ne m’avance guère. Tout dépend donc de ce que l’on appelle « estimation sérieuse », je pense qu’il faut le définir en fonction du contexte, et des risques qu’on est prêt à prendre. Si je construis un pont et que j’estime le poids maximal du camion qui le fera casser à 10t plus ou moins 3t, il faut en être sûr ! De même au poker, tout dépend des pertes que vous pouvez vous permettre, il y a des excellents coups sur lesquels vous perdrez de l’argent 4 fois sur 5, votre estimation de gain sera donc peut-être de 10$ plus ou moins 40$. C’est une fourchette assez large mais vous ne pourrez malheureusement pas obtenir moins de variabilité. Il existe également des situations où vous obtiendrez 10$ plus ou moins 1$, mais c’est plus rare.

On peut tout quantifier, autrement dit : toute « équation pokérienne » a une solution. Les problèmes étant de trouver cette solution, et surtout, plus important, de bien poser l’équation. Tout dépend de ce que vous prenez en compte quand vous voulez calculer une probabilité. Il y a plusieurs niveaux de complexité où l’on peut se placer. Le niveau « basique », disons, consiste à considérer uniquement notre main, et les cartes sur la table, pour calculer notre probabilité de toucher une couleur, une paire, un full, etc., en admettant qu’on arrive jusqu’à la river. C’est le genre de probabilités que doit connaitre tout joueur sérieux. On peut incorporer à ce niveau basique le calcul des côtes, qui calculent plus l’EV, c’est-à-dire qui prennent en compte les risques pris et le gain potentiel dans ce calcul. Le niveau « intermédiaire » consisterait à ajouter à tout cela les côtes implicites, et ce genre de choses. Il faudrait estimer l’argent que l’on devra rajouter dans le pot, si par exemple un adversaire nous relance au turn, pour arriver à la river. On reste dans le domaine des calculs purs. Le niveau « confirmé », qui est peut-être celui pour lequel il est plus dur de théoriser, requiert de prendre en compte d’autres facteurs. Le « timing », c’est-à-dire la prise en compte de ce qui s’est passé dans les coups précédents, est très important. Si un joueur a perdu plusieurs coups il risque d’être énervé et de faire une erreur dont il faut profiter. Ou au contraire un joueur qui a gagné beaucoup de coups sans montrer ses cartes (que ce soit en bluffant ou pas), va peut-être ne pas bluffer car il sait que ses adversaires vont être de plus en plus réticents à se coucher, ce qui change la côte implicite. Bref, il est très important de bien retenir la séquence des évènements. Il y a également l’aspect « profil », que tout le monde connaît, pour lequel il faut essayer de « catégoriser » les joueurs, « tight », « agressif », etc. Enfin, il y a le dernier aspect, la « psychologie », qui est peut-être le seul qui n’ait pas cours sur Internet, qui concerne les « tells »: savoir ce qu’un adversaire a en main en observant son comportement.

Par tradition, on considère qu’un tell est une déformation des habitudes comportementales d’un joueur pendant un coup. Ces déformations sont involontaires et trahissent un plan ; par exemple un joueur qui parle beaucoup en règle générale à la table, s’il se met à ne plus parler, ou à réduire notablement son débit de parole, il est très probablement en train de préparer quelque chose, et ce sera assez souvent un bluff. Il s’agit là d’un exemple de tell de tout premier degré. A partir d’un certain niveau, entre joueurs confirmés, ce genre de tell n’a quasiment plus lieu et les déformations des habitudes comportementales sont beaucoup plus subtiles (yeux dilatés, cage thoracique qui respire plus fort, tremblements, impression de gène, etc.). Les tells sont physiques même si un nouveau genre de tells est apparu avec le jeu en ligne. En fait, avant la révolution Internet, le poker était moins basé sur la connaissance pointue des mathématiques et les vieux briscards prenaient beaucoup plus de décisions en se basant sur les tells de leurs adversaires. Mais par définition, un joueur capable de se trahir à une table en live est aussi capable de se trahir sur une table virtuelle puisque dans tous les cas, c’est qu’il est sujet à un mauvais self-control. Les tells sur le jeu en ligne seront souvent relatifs à la vitesse des décisions, c’est-à-dire des clics. Un clic rapide au flop depuis plusieurs coups, suivi d’un clic qui intervient cette fois après plusieurs secondes, donne une information. A gage pour son adversaire de savoir l’interpréter, et c’est une autre problématique.

Si le niveau basique est probablement suffisant aux petites limites (c’est d’ailleurs pour ça que des joueurs peuvent y jouer 30 tables en même temps et rester gagnant), plus la limite augmente, plus il faut évoluer dans cette échelle. Je pense qu’hormis l’aspect « psychologie », tout peut être quantifié. On peut très bien se poser la question: « Quelle est la probabilité que ce joueur ait un as sachant qu’il a relancé préflop, et sur le flop, et qu’avant ça il a beaucoup bluffé, etc. », mais petit à petit il devient de plus en plus dur de poser l’équation, il faut s’arrêter quelque part. Et puis il faut tenir compte du fait qu’on a un temps limité pour prendre une décision.

Oui, comme disait Alexia Portal, comédienne et joueuse de poker, dans une interview sur Formule Poker, le poker c’est : « contrôler tout ce que l’on peut contrôler, et après seulement s’en remettre au hasard ». C’est une excellente définition qui induit une notion fondamentale de quantification du savoir technique en opposition à l’obligation de s’en remettre au hasard : plus notre bagage technique est large, moins nous aurons à nous mettre dans des situations où le hasard va intervenir. Par définition, moins notre bagage est large, plus nos décisions seront bancales et soumises au hasard.

Cas concret : l’approche probabiliste impose-t’elle que nous soyons en possession, lorsque nous voulons procéder à une estimation, d’absolument tous les éléments ou est-ce qu’une seule zone d’ombre saborde t’il le tout ? Par exemple au poker, certaines mains très rares nécessitent de réunir précisément 5 cartes données. Ce « pourcentage de chance » d’obtenir cette main tient compte d’un paquet de 52 cartes, subdivisés en 4 familles de couleur (piques, cœur, carreau, trèfle) et 4 séries de As au Roi (ou 2 à l’As), et il est théoriquement dit que d’extraire par exemple une quinte flush (5 cartes de la même couleur qui se suivent) il y a [tant] de pourcents de chance. Or, lorsque les cartes sont distribuées à tous les joueurs, et donc le paquet éclaté, il suffit qu’une seule des cartes permettant la constitution de notre quinte flush soit dans les mains de quelqu’un pour qu’il soit devenu impossible de la produire. On tombe à 0% de chance, la probabilité devient nulle. Donc, dans un schéma comme celui-ci, où des zones d’ombre entravent une partie des informations dont nous avons besoin, est-il correct, et judicieux, de continuer à « espérer » en terme de pourcentage de chance ?

Etre en possession de « tous les éléments » veut dire qu’il n’y a plus d’aléatoire du tout, une situation qui ne vous arrivera probablement pas au poker à moins de tricher! Les probabilités comme je l’expliquais sont la manière de tirer le mieux parti des informations en votre possession pour quantifier au mieux les “zones d’ombre”. Concernant le cas pratique, une fois le flop arrivé, il n’y a que deux cartes qui vous intéressent: le turn et la river, les deux cartes en haut du paquet (sans compter les cartes brûlées). Toutes les autres cartes, qu’elles soient dans les mains d’autres joueurs ou plus en bas dans le paquet, n’arriveront jamais sur la table, donc il ne sert à rien de faire des distinctions entre ces cartes. Les seules informations que vous avez sont: vos cartes, et les cartes du flop, mais comme vous n’avez pas non plus d’informations sur les cartes du-dessus, vous devez mettre absolument toutes ces cartes dans le même panier. C’est-à-dire que s’il reste 44 cartes dans le paquet, toutes ont 2 chances (une fois au turn, une fois à la river, soit deux) sur 44 d’avoir atterri dans le haut du paquet.

Après, on peut imaginer certaines situations où il est possible par l’observation d’avoir des informations sur les cartes de vos adversaires d’une autre manière, c’est notamment utile dans les variantes comme le Omaha où les joueurs ont beaucoup de cartes dans leurs mains. Si un joueur a l’air d’avoir un tirage cœur, alors il y a des chances qu’il y ait moins de cœur que prévu dans le reste du paquet, si un joueur relance sur un flop avec un as, il y a des chances qu’il ait un as, etc.

Les joueurs de poker calculent leur EV+ (Expected Value + = espérance de gain positif), c’est-à-dire qu’ils prennent des décisions en considérant si elles sont rentables sur le long terme. Par exemple, un joueur a besoin d’un 5ème cœur sur la river pour compléter une couleur qui lui donnera très certainement la meilleure main. Il reste 9 cœurs dans le paquet, on considère que cela donne un pourcentage de chance d’environ 20%. Il va souvent accepter de payer une mise tout en sachant qu’il n’a qu’une chance sur cinq de toucher la main gagnante si la côte est tentante (c’est-à-dire qu’on lui demande d’investir peu d’argent par rapport à ce qu’il est susceptible de gagner s’il complète effectivement sa main gagnante ; une marge d’erreur qui doit tenir compte que les 4 fois sur 5 où il va perdre de l’argent doivent être au moins remboursées lorsqu’il gagnera le coup la fois sur 5 restante). Pour cela, les joueurs de poker utilisent l’échantillon sur 100. L’échantillon sur 100 est un petit échantillon, sur 100 coups il peut se passer des résultats étonnants qui contredisent nos espérances. Le phénomène de régulation sur plusieurs séries de 100 ramène à des résultats qui collent avec nos calculs.

Je pense que calculer l’EV+ est une excellente habitude à prendre (et l’échantillon 100 est probablement suffisant pour ça). Selon moi, un bon coup n’est pas un coup qui rapporte de l’argent, un bon coup est un coup avec une EV+, et en quelque sorte il faut même presque se ficher du résultat pour la raison suivante: La loi des grands nombres nous dit (à peu de choses près), que si un joueur fait des coups qui ont en moyenne un EV+ de 1$/coup, alors quoi qu’il arrive au bout d’un million de coups il aura gagné probablement environ un million de dollars; c’est d’ailleurs pour ça qu’il existe des professionnels et des amateurs, autrement autant faire des compétitions internationales de « pile-ou-face », c’est moins compliqué. Maintenant il faut être très attentif à la manière de calculer son EV+: Si un joueur semble avoir une main monstrueuse et qu’on calcule la probabilité de toucher une paire de 10, l’EV+ sera probablement négatif car on se fera sûrement battre à l’abattage, donc quand je parle d’informations, il faut évidemment prendre en compte le comportement des autres joueurs (et je ne parle pas seulement des tells ici). Un bon joueur de cash game devrait donc avoir comme credo de jouer tous les coups avec un EV+ positif, et de ne pas jouer les autres, et ce qui fait la différence entre un bon et un mauvais joueur c’est l’aptitude à bien calculer l’EV+. Tout le reste ce ne sont que des fluctuations autour de cet EV+, qui varient de manière de plus en plus négligeable au fur et à mesure que l’on joue (au regard de l’argent gagné j’entends).

Maintenant, la situation en tournoi est différente, il faut également prendre en compte la variabilité d’un évènement. Si j’évoque votre exemple où le joueur va perdre 4 fois sur 5, et que c’est la bulle d’un tournoi, alors il ne faut probablement pas faire ce move, la variabilité est trop grande et une telle prise de risque à ce stade est inacceptable. La situation s’inverse si le joueur a un gros tapis et que les autres redoutent de « buller ». En tournoi il ne faut pas calculer l’EV+, mais tout simplement la probabilité d’être éliminé à court terme, ce qui est beaucoup plus compliqué, évidemment l’EV+ a son rôle à jouer, mais pas seulement.

De nos jours, en effet ce qui va largement contribuer à faire la différence entre des joueurs amateurs et des joueurs, professionnels ou non mais en tout cas gagnants sur le long terme, ce sont les calculs de cotes, la sensibilité aux probabilités, etc. Beaucoup de joueurs, des « puristes » de l’approche mathématique, vont considérer que c’est un sacrilège de jeter les As servis préflop, à plus forte raison contre un seul adversaire (la force de la paire d’as servie dévalue à mesure qu’augmente le nombre de ses adversaires dans un coup, il n’est donc pas si rare de voir un bon joueur coucher les as lorsque plusieurs adversaires sont déjà committés dans le pot –ce qui n’arrive que dans des situations rarissimes, ou plus fréquemment mais dans les parties sans enjeux). Pourtant, de grands auteurs ont déjà abordé la question, par exemple Dan Harrington dans sa trilogie sur le No-Limit Hold’em de tournoi qui, en fin de tome 2, préconise de considérer une situation où vous devez mettre votre tournoi en jeu avec les As en main contre un adversaire qui vous met à tapis à la bulle d’un satellite autrement qu’au seul spectre de la « religion EV+ ».

D’ailleurs, « la variabilité d’un évènement », qu’est-ce que c’est exactement pour les lecteurs profanes ?

Pour revenir à l’exemple des As, c’est parfaitement naturel : vous aurez peut-être 15% d’être éliminé en jouant vos As, alors que vous aurez 0% en attendant sagement d’être ITM (in the money), le calcul est vite fait. Comme je l’ai dit dans un précédent entretien, l’EV n’est primordial qu’en cash game, ou en début de tournoi quand les blindes sont très loin de l’ordre de grandeur de votre tapis, après, il faut simplement calculer votre probabilité de rester dans la course. Bien sûr, si vous avez un petit tapis et que vous êtes plusieurs petits tapis en concurrence pour « buller », il ne faut pas hésiter à jouer ses As surtout si l’immobilisme est synonyme d’élimination. Dans le cas contraire, il faut laisser les petits tapis se heurter à l’agressivité des gros et attendre la fin de la tempête.

La variabilité d’un évènement, ou « variance » pour les mathématiciens, c’est la propension qu’a cet évènement de dévier de ce qu’on attend de lui, de sa moyenne. Pour revenir à l’exemple des As all-in preflop, si chacun a une mise de départ de 1000, si vous êtes contre un seul adversaire avec une main inférieure, la variabilité est faible (dans 15% des cas le résultat s’éloigne significativement de la moyenne de +700$). Si vous êtes contre trois adversaires, vous allez gagner en moyenne peut-être 1200€, mais vous aurez aussi 40% de chances de “gagner” -1000€, c’est-à-dire 2200$ de moins que la moyenne. On voit que la variabilité dans le 2ème cas est plus grande, il est plus dur de savoir comment ca va se finir (même si vous êtes en moyenne plus gagnants). La variabilité d’un évènement est la part d’incertitude qu’il comporte. Un évènement de variabilité 0 est un événement qui est sûr de se produire, on dit « déterministe » en mathématiques, mais de tels évènements sont très rares au poker, c’est pourquoi il va bien falloir prendre des risques à un moment, mais il faut en prendre le moins possible.

LES PROBABILITES PEUVENT SURPRENDRE LES JOUEURS DE POKER


Au poker, les probabilités sont connues, parfois impeccablement maitrisées par des pros, et pourtant parfois elles étonnent. Notamment lorsque se produit, dans un laps de temps réduit (c’est-à-dire dans une fourchette de mains jouées), une série de plusieurs évènements que l’on sait pourtant chacun très rares. Par exemple, les probabilités de se faire servir une paire d’as sont de 0.45% (idem pour n’importe quelle paire), nous nous attendons donc à la recevoir environ une fois tous les 220 mains. J’abordais cette question avec le joueur professionnel Pedro Canali qui me racontait avoir été témoin, dans une partie live, d’une scène incroyable : le même joueur, en l’espace d’une dizaine de mains, a reçu 5 fois la paire d’as ! Quel était le pourcentage de chance que cela lui arrive ?

La probabilité que cela arrive est d’environ 5 sur 10 milliards. En fait, ça n’est pas si incroyable que cela : d’après cet article, ça a déjà du arriver une dizaine de fois sur Pokerstars. Et puis il faut bien voir que c’est un évènement incroyable, mais il y a beaucoup d’autres évènements incroyables que ce joueur n’a pas vu : avoir deux quintes flush simultanément, etc. … Donc tout joueur doit s’attendre à voir des choses incroyables à un moment donné. Je pense qu’on peut mesurer l’expérience d’un joueur de poker au nombre de quinte flush qu’il a déjà vu. A zéro, vous êtes encore novice, à deux-trois, cela fait déjà un moment que vous écumez les tables, et si vous ne pouvez plus les compter, c’est que vous avez déjà pas mal joué.

Précision : Ici, la notion d’expérience ne considère pas le niveau technique dudit joueur, mais le temps qu’il a passé à jouer, considérant que plus il a passé de temps aux tables, plus il a assisté à des donnes, et donc aux résultats de ces donnes. Schématiquement, puisqu’un joueur va toucher la paire d’as servie 0.45%, soit environ une fois par tranche de 120 donnes, s’il n’a jamais eu de paire d’as, c’est logiquement qu’il n’a pas joué plus de 120 mains dans sa carrière [c’est une moyenne], ce qui en fait une très maigre expérience. Un joueur qui a touché la paire d’as des dizaines de fois est réputé avoir énormément joué (plusieurs dizaines de fois 120 mains).

Naïvement, on pourrait croire qu’un adversaire qui a touché les as, ou n’importe quelle grosse main, aussi souvent en si peu de temps a « épuisé » son « capital chance », et que pour le reste de la partie il sera moins bien servi. Comme si après avoir constaté une étrangeté statistique, pour rétablir une sorte d’équité, il faudrait qu’une étrangeté inverse se produise. Or, cela ne se passe pas comme ça, n’est-ce pas ?

Bien-sûr que non. Les cartes qui sortent sont ce qu’on appelle des « tirages indépendants ». Cela veut dire que ce qui se passe dans le présent ou dans le futur est totalement indépendant de ce qui s’est passé dans le passé. Ce qui n’est pas indépendant du passé, par contre, c’est le comportement des joueurs, et je vous renvoie à la notion de « timing »: si un joueur a beaucoup gagné, il va avoir tendance à moins bluffer; si un joueur a eu des coups durs, il va avoir tendance à se démoraliser et à mal jouer (tilt), etc. C’est pour ça que la courbe de gains d’un joueur ne ressemble pas toujours à une belle courbe statistique (voir la question d’après). La « compensation » que vous évoquez nous renvoie à la loi des grands nombres: Si l’on fait la moyenne sur une infinité de mains, un joueur a eu autant de chance que de malchance, mais jusqu’ici aucun joueur n’est arrivé à jouer une infinité de mains (!), c’est un peu le paradoxe de cette loi. Cependant on peut dire que si un joueur a joué 10 000 mains, il y a une faible probabilité qu’il ait eu beaucoup plus de chance que de malchance, ou le contraire, (ça, c’est le théorème central limite). Aucun commentateur ne dirait de manière sérieuse que « tel professionnel est plus malchanceux que tel autre », à moins qu’il ait eu des bad beat sur trois finales de grands tournois, car on ne joue pas suffisamment de finale de grands tournois dans sa vie pour pouvoir appliquer les théorèmes qui concernent le comportement d’un grand nombre d’évènements. Autrement dit la « loi des grands nombres », sorte de mécanisme de compensation, ne s’applique, comme son nom l’indique, qu’à un grand nombre de mains jouées, et ne permet en aucun cas de prévoir le futur (seulement de prévoir la limite pour une infinité de mains, ce qui n’est pas pareil).

Il est vrai qu’à peu près tous les joueurs réguliers ont assisté à des parties où eux-mêmes ou quelqu’un de la table a connu un rush de chance spectaculaire (beaucoup de bonnes mains, des tirages qui rentrent plus que de raison, des rivers miraculeuses, etc.) ou au contraire de grands moments de solitudes où, de toute la partie, la meilleure main que l’on se soit faite servir ressemblaient à J-7 dépareillé. D’ailleurs, il est de notoriété publique qu’on ne gagne pas un tournoi à gros field (beaucoup de joueurs en course) sans avoir bénéficié d’une chance aux proportions exacerbées (ce qui permet à des joueurs de niveau plus faible de gagner des tournois que de grands professionnels ratent complètement). Car sur un court terme, une séquence donnée et réduite, il peut arriver que les lois mathématiques connaissent quelques anomalies (voire plus haut : variabilité, ou variance) qui seront régulées sur le long terme, mais qui dans le cadre temporellement limité d’une seule partie ont tout le loisir de s’exprimer.

Par superstition le plus souvent, certains joueurs croient en l’existence de « cycles », c’est-à-dire des phases où, pendant un temps donné de plusieurs mains, soit nous ne toucherons aucune bonne main (bad run), soit nous en toucherons beaucoup (run, ou rush). Mathématiquement, ces cycles existent-ils ou sont-ils une « illusion », emmenée plutôt par l’appréciation personnelle biaisée que par la réalité des chiffres ?

Pour répondre à cette question, je dois vous raconter une anecdote, qui est peut-être une légende, mais peu importe. Un professeur de probabilités demande à ses étudiants pour la prochaine leçon l’exercice suivant: il faut jeter une pièce 100 fois en l’air et noter le résultat (« pile » ou « face »). Il peut ensuite distinguer les élèves ayant proprement fait leur travail de ceux ayant écrit des suites à la main, de la manière suivante : si un travail ne comporte aucune suite de 5 « pile » d’affilés dans les 100 lancés, il est très hautement probable que l’élève ait inventé les résultats. Cela illustre bien ce que vous mentionnez. Il existe des « réalités probabilistes » irréfutables (la probabilité d’avoir 5 « pile » de suite dans 100 lancés est de 81%), mais qu’aucune personne se basant sur son intuition ne pourrait prévoir.

La probabilité que nos 5 premières mains dans une partie soit, au pif, K2, Q9, 72, 87, 10-6 est exactement la même que celle d’avoir AA, AA, AA, AA, AA, c’est juste que la première va passer inaperçue alors que la seconde, non. C’est un peu ce qu’on appelle les mathématiques de la perception : on aura plus tendance à remarquer des évènements qui présentent une certaine régularité/esthétique/symétrie, que des évènements dépourvus de toute caractéristique. Ce que vous appelez les « cycles », c’est une suite d’évènements qui a une propriété particulière (beaucoup de « bonnes mains » ou beaucoup de « mauvaises mains »), mais n’importe quel cycle, qu’il soit remarquable ou non, a la même probabilité d’arriver. Je vous renvoie à la courbe suivante pour voir à quoi ressemblerait la courbe d’un joueur robot qui ne jouerait qu’avec des joueurs robots identiques pendant un temps infini, et sans commission.
Entretien avec un Maître de conférences en probabilités Walk1d_4
On voit que cette courbe oscille autour de « 0″, il y a de longues périodes de montée, et de longues périodes de descente, uniquement dues aux probabilités.

On peut d’ailleurs établir les assertions suivantes sur ce type de courbe, à condition d’attendre suffisamment longtemps:
- Il y a toujours un moment où le joueur atteindra un chiffre donné (que ce soit +1 million d’€ ou -1 millions d’€), il va d’ailleurs passer une infinité de fois par ces deux états,
- Il y a des « rush » (périodes de montée), ou des « bad run » (périodes de descente) arbitrairement longues: en attendant suffisamment longtemps, on observera un « bad run » de 100 ans !

Pour résumer, oui il y a des cycles, n’importe quel comportement possible se produira à un moment ou à un autre : vous ne rencontrerez jamais de joueurs pros qui n’aient jamais eu de « bad run »- et si par miracle vous en rencontriez un, cela ne veut absolument pas dire qu’il va en connaitre beaucoup dans le futur pour compenser !

Le monde des probabilités est un monde où les mathématiciens font autorité. Pourtant, les joueurs de poker voient des phénomènes tellement surprenants (pour eux), comme la répétition d’évènements rares qui se suivent en peu de temps, etc., qu’il arrive à certains de perdre leur confiance en la « réalité scientifique » comme seule et unique réponse. Vous n’êtes pas psychologue mais, avec vos mots, que diriez-vous aux sceptiques pour les convaincre du fondement de l’approche mathématique (par opposition au « feeling » dont parlent beaucoup de joueurs – « J’étais sûr que la bonne carte allait sortir, au feeling ! ») ?

Comme je l’ai dit, il est probablement possible de mettre en équation de manière satisfaisante la plupart des situations, mais le problème est qu’on ne peut pas effectuer les calculs en temps limité. Ce que va faire un joueur de poker en pratique, c’est poser inconsciemment les termes de cette équation dans sa tête, et faire une “évaluation” du résultat. Un peu comme si vous faites tomber des allumettes par terre et vous essayez à vue d’œil de savoir combien il y en a. Vous n’allez pas les compter une par une, ce serait trop long, vous allez utiliser votre “expérience” pour savoir combien il y a d’allumettes. Au poker, c’est pareil sauf que vous ne comptez pas les allumettes, vous comptez la probabilité qu’a un joueur d’avoir une meilleure main que vous en considérant de nombreux paramètres: les cartes du flop, le comportement de ce joueur, etc. C’est une certaine sorte de “feeling”, vous utilisez la capacité qu’a votre de cerveau de compter “à vue d’œil” pour prendre une décision. Il faut néanmoins souligner plusieurs choses. Premièrement, ce calcul intuitif doit se baser sur des résultats exacts : par exemple vous devez savoir quelle est la probabilité de toucher votre couleur à la river, et intégrer ce résultat à votre “gros calcul” inconscient.

Deuxièmement, il faut distinguer ce “feeling”-là du “feeling” qui vous fait croire que vous avez des pouvoirs magiques. Personne n’est capable de deviner la prochaine carte, les cartes n’émettent pas des ondes que votre cerveau va réceptionner et interpréter. Ce “feeling”-là serait plus une sorte de désir. C’est en fait ce que vous voulez qui influence votre capacité de jugement : plus vous allez vous laisser influencer par ce que vous voulez (“je suis sûr que telle carte va sortir à la river!”), moins vous allez être efficace dans votre calcul inconscient car celui-ci sera parasité par vos désirs. En d’autre termes, le meilleur joueur de poker est le joueur de poker mathématicien calculateur qui arrive à faire abstraction de ses émotions et de ses désirs, et surtout de l’impression que des forces surnaturelles sont à l’œuvre.
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MessageSujet: Re: Entretien avec un Maître de conférences en probabilités   Entretien avec un Maître de conférences en probabilités EmptyDim 27 Nov 2011 - 15:05

Trop de blabla, pas assez de morceaux de maths dans cet article.

Lisez plutôt Titoufred : La variance par Titoufred
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MessageSujet: Re: Entretien avec un Maître de conférences en probabilités   Entretien avec un Maître de conférences en probabilités EmptyDim 27 Nov 2011 - 19:28

Taamer a écrit:
Lisez plutôt Titoufred : La variance par Titoufred

trop de maths et pas assez de texte dans ton article
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MessageSujet: Re: Entretien avec un Maître de conférences en probabilités   Entretien avec un Maître de conférences en probabilités EmptyDim 27 Nov 2011 - 20:44

Leprechaun a écrit:
Taamer a écrit:
Lisez plutôt Titoufred : La variance par Titoufred

trop de maths et pas assez de texte dans ton article
Entretien avec un Maître de conférences en probabilités 486251
La blague est facile, mais sans rapport avec l'article, qui contient non seulement du texte pour expliquer les maths, mais aussi d'utiles illustrations graphiques.
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