http://www.rue89.com/2010/01/25/ils-ont-ete-vires-pour-avoir-refuse-de-travailler-le-dimanche-legal-135435Le travail le dimanche est officiellement fondé sur le volontariat. Mais si l'on est pas volontaire, c'est la porte ? L'été dernier, trois salariés d'un magasin Ed, distributeur alimentaire, étaient licenciés pour avoir refusé de travailler le dimanche matin. La procédure s'ouvrait aujourd'hui aux prud'hommes. Les parties, la direction juridique de la chaîne du groupe Carrefour et les anciens salariés, sont chacun restés sur leur position : pas de conciliation, la plaidoirie est fixée au 11 octobre.
Licenciés pour avoir refuser de travailler le dimanche
Le magasin Ed, à Oyonnax dans l'Ain, a décidé l'été dernier d'ouvrir ses portes le dimanche matin jusqu'à 13h. En tant que distributeur alimentaire, l'établissement a bénéficié d'une dérogation légale spécifique du Code du Travail :
« Dans les établissements dont l'activité exclusive ou principale est la vente de denrées alimentaires au détail, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de 13 heures. »
Seulement, deux dimanches chacun, Etelvina Fernandez, Élise Kongo et Rath Luang, trois salariés en contrat dans le magasin, ne se sont pas présentés. « Absences injustifiées », entretiens avec la direction puis, en juin, courriers recommandés : voilà ce qui a précédé leur licenciement pour « insubordination aux horaires planifiés ».
Ed a-t-il le droit de modifier le contrat de travail sans le consentement des employés ?
Aujourd'hui, ce qui pourrait faire jurisprudence, c'est la réponse que le juge va apporter au changement des horaires dans le cas où le salarié ne les approuve pas. Car sans spécification d'horaires fixés dans le contrat de départ, le changement toucherait peut-être à la substance même du contrat.
Le flou juridique autour du cas où le refus de l'employé serait sanctionné par l'employeur -ici par licenciement- demande clarification.
En effet, les salariés portent plainte ensemble contre le fait de changer, non les conditions de travail seulement, mais le socle contractuel. Or, changer le fond d'un contrat suppose le consentement des deux parties, donc des employés.
Chez Ed, a t-on touché au fond du contrat ? En l'occurrence, les textes ne spécifiaient ni horaires ni jours de travail. L'avocate des salariés, Maître Inès Plantureux, prend à son avantage le silence de l'accord sur ce point et explique :
« L'employeur a modifié sans leur consentement les contrats. Imposer ainsi le dimanche, c'était comme imposer de travailler la nuit ou imposer une mutation très éloignée du domicile : le contrat modifié portait atteinte au droit au respect de la vie familiale, architecture de base de notre droit civil, et nécessitait leur approbation. »
Vie familiale versus ordre légal
Les trois anciens salariés d'Ed peuvent chacun avancer les preuves d'un préjudice sur leur vie familiale. Tous travaillaient déjà le samedi.
•Etelvina Fernandez a un garçon scolarisé en lycée option sport études, à 700 km de son domicile : elle ne peut le voir que le week-end.
•Élise Kongo a des enfants étudiants dans des villes éloignées de son domicile et compte sur son dimanche pour les voir.
•Rath Luang, séparé de son épouse, a un droit de visite et d'hébergement pour son enfant fixé aux samedis et dimanches.
Côté employeur, la direction juridique de la chaîne du groupe Carrefour a l'intention de fonder sa défense sur le fait que sa décision était légale et respectait la convention collective. Les salariés ne se sont pas pliés à un changement des seules conditions de travail donc on peut fonder leur licenciement.
Le service presse précise que ce travail dominical entraînait une majoration de 30% de rémunération et que la rotation correspondait à un dimanche travaillé sur trois.
La Cour de Cassation a déjà jugé en faveur du droit au respect de la vie de famille dans des affaires de mutation de poste et de travail de nuit. Là, les juges prud'homaux indiqueront par leur jugement si le dimanche est aussi important pour la vie familiale, que la nuit ou la proximité géographique.