http://www.madeinpoker.com/zooms/to-deal-or-not-to-deal-petits-arrangements-entre-amis-4697.htmlD'abord la bulle puis la Table Finale, vous vous battez pour survivre et augmenter votre pile de jetons depuis des heures... Le Graal n'a jamais été aussi proche et lorsque vous relevez la tête, vous n'êtes plus que trois en course. Vous regardez la répartition des prix et vous vous apercevez que la différence entre la victoire et l'ultime place du podium est énorme...
Le poker de tournoi récompense le joueur n°1. La structure standard des prix donne généralement près de deux fois plus au premier qu'à son dauphin. Le troisième n'a lui droit qu'à la moitié de ce que touche le deuxième et ainsi de suite. En fait, la proportion du total du prizepool est fortement concentrée sur les trois premières places. Il peut donc être très intéressant pour les joueurs de trouver un arrangement financier. C'est généralement à ce moment que la perspective de dealer se profile...
Cette pratique est théoriquement interdite par la loi française. Elle est pourtant très fréquente, notamment sur internet. Dans les Cercles ou les casinos, on la pratique aussi. Gagner de l'argent est la finalité du poker, parfois votre qualité de jeu ne suffira pas. Il est donc important de savoir négocier et de bien comprendre les subtilités d'un deal avantageux. Chercher un compromis où chacun est (semble) gagnant, prendre son temps pour estimer sa situation, être patient pendant la discussion en écoutant les arguments adverses et toujours se donner le droit de dire non sont des qualités essentielles pour bien négocier. La répétition des Tables Finales et l'expérience qui va avec vous aideront à progresser dans la pratique du Deal.
Savoir que cette pratique existe vous évitera surtout de vous faire arnaquer la première fois que vous y serez confronté. Savoir à quoi vous attendre peut vous permettre d'économiser de l'argent mais aussi de ne pas perdre votre concentration lors de la reprise du tournoi. Plusieurs joueurs ont regretté l'arrangement qu'ils ont conclu dans la minute ou les semaines suivantes.
Afin de garder la tête au jeu, il ne faut pas hésiter à s'appuyer sur le floor. Le responsable du tournoi est généralement le témoin de la négociation. Il peut vous aider à faire les calculs et garantira la tenue des engagements que chacun a pris. "Nous sommes là pour que tout se passe bien, sans heurts. Ensuite, nous appliquons les termes de l'accord et les joueurs n'ont plus qu'à passer en caisse pour toucher leur part", explique le directeur de tournoi d'un cercle parisien qui a préféré rester anonyme.
Les officiels du tournoi sont là pour vous aider, même au niveau de l'European Poker Tour. "A Berlin, nous avons utilisé un logiciel calculant l'ICM pour établir le deal final, il fallait laisser 200K€ pour la gagne, on a donc déduit 200K du prizepool restant à 3 left. Ensuite nous avons entré les stacks de chaque joueur dans le logiciel et il nous à donné le "deal". 488K€ pour moi, 607K pour [Kevin] McPhee et 614K pour Ilari [Tahkokallio]", indique Marc Inizan, finalement troisième de ce tournoi.
Le premier principe qui régit le deal, c'est l'unanimité. L'unanimité est d'ailleurs l'unique condition obligatoire. Si un des joueurs concerné refuse, il bloque le processus. Ne donnez jamais votre accord sans être sûr de vous et de ce que vous gagnez car un deal n'est donc pas forcément équitable pour toutes les parties en présence. Après tout, le bluff doit faire partie intégrante de votre arsenal.
Il y a aussi
des moments où il n'est pas intéressant de dealer. "Quand je pense avoir un edge [un meilleur niveau], que je me sens en forme et que la partie est encore deepstack, ce n'est pas non plus la peine de trouver un accord", explique Ronan Collet, joueur pro tricolore non sponsorisé qui vient de réussir une Table Finale lors des SCOOP.
La position des joueurs dans la négociation est dictée par leur nombre de jetons. Plus vous avez de jetons et plus vous avez de poids dans les tractations. Votre influence n'est pas la même si vous avez deux fois plus que la moyenne des jetons ou si vous êtes le short stack de la table et que vous êtes de grosse blinde au coup suivant. C'est une évidence mais on peut avoir tendance à oublier quelques paramètres sous l'effet du stress et de la fatigue.
Pour se donner du poids dans la discussion, il faut tout d'abord ne pas être demandeur. Que vous vouliez le deal ou pas, ne pas paraître comme l'instigateur de ce dernier ne peut qu'être à votre avantage. Etre détaché et masquer son intérêt peut vous permettre d'empocher plus que le minimum acceptable. Ce minimum acceptable, c'est le prix du prochain joueur à sortir plus la proportion de vos jetons par rapport à ceux en jeu dans le tournoi converti en argent. Un deal peut néanmoins prendre plusieurs formes. Il y a d'abord le lissage des prix.
Imaginons que la répartition soit de 20.000, 10.000 et 5.000 euros et que les trois derniers joueurs possèdent un nombre de jetons quasiment équivalent. Les joueurs vont pouvoir décider de gommer les écarts et peuvent s'entendre pour une nouvelle répartition (15, 12 et 8K par exemple). Ils peuvent aussi décider de prendre chacun la même somme (10.000 euros) et de jouer le reliquat à la régulière (5.000 euros de plus pour le premier), c'est la forme de deal la plus courante.
Certains joueurs appliquent la politique du "no deal". Dans ce cas là, il n'est pas inutile de laisser les autres perdre leurs forces dans une négociation que vous refuserez à la fin. Alors que vos adversaires s'usent mentalement pour trouver un accord, vous gardez votre concentration et vous vous donnez un petit avantage qui peut vous rapporter gros. Quand vous avez aussi un énorme avantage en jetons, refuser tout deal permet de laisser vos opposants sous pression. "Je ne négocie jamais si je joue pour le titre. En négociant, tu enlèves toute la pression aux adversaires" qui jouent pour l'argent, ajoute Ronan Collet qui s'appuie donc sur la rapidité de la structure et l'augmentation des blindes et des antes pour décider s'il va négocier.
La peur de l'élimination et l'énormité de la somme en jeu peuvent les faire déjouer, donc refuser quand vous êtes en position de force peut vous donner un avantage supplémentaire.Un exemple typique où refuser un deal se présente est à l'approche de la bulle si l'on possède un énorme avantage en jetons. Imaginons que neuf joueurs soient payés dans un tournoi, que vous êtes le chipleader et que vous profitez du fait qu'il ne reste que dix rescapés, qui tous s'accrochent à leurs jetons pour rester dans le tournoi, afin de voler un maximum de pots. Vous augmentez régulièrement la hauteur de votre tapis et prenez ainsi un avantage déterminant pour la victoire finale. Dans cette situation refuser un deal peut s'avérer particulièrement profitable. Attention néanmoins à ne pas frustrer des adversaires que vous retrouvez fréquemment, ils risqueraient de se montrer peu conciliants le jour où c'est vous qui serez dans la peau du short-stack intéressé par un accord...
En cas de refus, vous deviendrez peut être la cible de joueurs mécontents. Il est donc important de refuser dans les formes et poliment. C'est à dire en montrant que vous avez bien entendu les arguments de chacun mais que vous ne pouvez accepter. Cela poussera probablement vos adversaires à vous offrir plus pour obtenir votre accord... et à se frustrer tout seul.
Si les tractations sont fructueuses, ne vous relâchez pas et continuez à jouer votre meilleur poker.
Il arrive fréquemment que la négociation fasse sauter des verrous psychologiques chez vos opposants. Libérés par la contrainte financière, ils auront plus tendance à s'envoyer en l'air... et vous permettront de gagner une place de plus.