http://www.madeinpoker.com/opinions/harmoniser-les-regles-darbitrage-en-tournoi-une-necessite-4405.htmlHarmoniser les règles d'arbitrage en tournoi : une nécessité C'est devenu un sujet de discussion récurrent, revenant lors de chaque gros tournoi du calendrier, les polémiques enflent à cause de décisions étranges ou erronées rendues par les arbitres des tournois. Non pas que ceux-ci soient incompétents ou partiaux, mais simplement car d'un circuit à l'autre, d'un pays à l'autre, parfois d'un casino à l'autre, les règles et leur interprétation différent.
Une situation inacceptable dès lors que des titres prestigieux se disputent et que des sommes représentant des années de salaire se jouent sous les yeux de centaines de milliers de personnes.Pourtant des règlements existent, clairs, précis, disponibles et correspondant généralement à une logique empirique. il suffirait de les appliquer certes, mais les choses sont complexes. Plusieurs associations ou fédérations ont élaboré leurs propres textes, la FIDPA ou la TDA pour ne citer que les principales. Les législations nationales, évidemment différentes d'un pays à l'autre, tendent à complexifier les données, demandant à chaque fois des adaptations. L'interaction avec les casinos, qui sont généralement organisateurs, co-organisateurs ou tout simplement hôtes et qui ont leurs propres règles, pose aussi de nombreux problèmes.
Prenons le cas des différents organismes qui tentent de proposer des solutions, la FIDPA (Fédération Internationale De Poker Association) a mis en place, sous l'égide de Marcel Luske, un cahier des charges très prècis, trop prècis ! Ce sont des centaines de pages qu'il faut assimiler, rendant finalement l'application des règles impossibles dans certaines situations. La TDA (Tournament Director Association) a élaboré un ensemble de règles plus simple, répondant globalement à la grande majorité des litiges rencontrés au cours d'un tournoi. Les lois du jeu de la TDA sont d'ailleurs appliquées par les grands circuits internationaux, EPT, WPT et WSOP en tête. Cela constitue déjà un pas en avant conséquent, mais des contestations continuent parfois de survenir au cours des tournois majeurs de ces circuits...
C'est là que surgissent les interactions avec d'autres intervenants, parfois avec les règles nationales (l'état français, qui aime légiférer sur tout, interdisant par exemple les "deals" entre joueurs), mais le plus souvent avec les casinotiers. Même lorsqu'ils hébergent des tournois des circuits utilisant les règles de la TDA, des problèmes continuent de survenir avec les casinos. Deux raisons principales à cet état de fait :
- les casinos et le personnel qu'ils fournissent obéissent partiellement à leurs propres règles -généralement issues du cash game- soit par volonté expresse, soit par habitude
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les casinos sont à la fois juges et parties, en ce sens où les floors doivent fréquemment rendre des décisions impliquant des clients fidèles de leur établissement.
Difficile de sanctionner la main qui vous nourrit... Une situation survenant d'autant plus fréquemment que ces gros clients, généralement joueurs de cash game- ont pris au cours de ces parties d'argent organisées par le casino des habitudes différentes de celles requises pour un tournoi.
Les responsables se retrouvent alors face à une situation ubuesque : punir leurs clients réguliers car ils ont appliqué les règles habituellement utilisées dans le casino !Les exemples sont nombreux, survenus récemment :
- un joueur qui paie la mise initiale avant son tour et contraint de laisser celle-ci si un joueur effectue une relance avant lui (il peut éventuellement suivre la relance) alors que les règles de la TDA sont claires. Dès qu'il y a une action préalable, le fautif peut se retirer.
- impossibilité de s'asseoir au bouton lorsqu'une table est cassée (à ne pas confondre avec un équilibrage de tables). Là-aussi les préconisations de la TDA sont précises et légitiment cette possibilité.
- les chip races et autres color up s'effectuent couramment sans la présence des joueurs, engendrant parfois erreurs ou contestations. Ici encore, une réglementation existe, obligeant l'organisateur à faire ces manipulations en présence d'au moins deux joueurs
- les problèmes d'abus de language sont une des plaies du poker de compétition moderne, les fédérations de poker ont mis au point des échelles de sanctions précises, mais les casinos -pour des raisons évidentes évoquées précédemment- ne les appliquent que trop rarement.
Cette liste pourrait s'allonger, chaque joueur de tournoi expérimenté pourrait y aller de son anecdote. Les casinos ne sont pas les seuls fautifs, ils essaient souvent de faire au mieux. La responsabilité des organisateurs peut aussi être engagée, ceux-ci rechignant à investir dans du personnel supplémentaire, venant de l'extérieur et mieux formé, mais nécessitant une dépense additionnelle. Les grands circuits n'ont pas toujours envie d'entrer dans un conflit avec un casino qui les accueille et leur permet de s'installer dans une nouvelle contrée où la concurrence fait rage, alors ils ferment les yeux. Mais les joueurs aussi sont partiellement responsables, ne connaissant qu'imparfaitement les règles du jeu qu'ils pratiquent parfois de manière quotidienne et professionnelle. Bien sur elles sont complexes, comme dans de nombreux sports, mais imagine-t-on un joueur de rugby les ignorer ? Pourtant il s'agit d'un sport qui présente une réglementation extrêmement complexe qui évolue de plus tous les ans.
Le poker offre d'infinies situations différentes susceptibles de générer des litiges et quelques soient la compétence et le professionnalisme des directeurs de tournoi il y a aura toujours des cas où il faudra trancher sans pouvoir se référer à un texte de lois ayant tout prévu.
Il est de la responsabilité des joueurs de connaitre les règles, mais aussi de les appliquer avec correction et de ne pas faire comme certains qui, sans aucun fair-play, utilisent la méconnaissance de leurs adversaires pour s'approrier des jetons. Deux exemples récents illustrent parfaitement cette attitude anti-sportive qui doit aussi être pénalisée :
Lors d'un tournoi international, il y a peu de temps, un joueur dont la mise a été payée à la river après une longue hésitation, annonce "full max". L'autre jette alors ses cartes et le premier joueur retourne alors une poubelle en lançant "ah non je me suis trompé...". comme l'autre a jeté ses cartes dans le muck, le pot lui est attribué !
Autre situation, qui s'est déroulé très récemment dans un cercle parisien, alors qu'une couleur max est possible sur le board le joueur A demande "tu as une couleur max ?". Le joueur B répond "oui". Le joueur A paie avec la seconde couleur et effectivement son adversaire a le jeu max, mais le joueur A appelle le directeur du tournoi et arguant du fait que celui-ci a révélé sa main -ce qui est interdit- réclame et obtient le pot. Michel Leibgorin, un des deux directeurs de tournoi français agréés par la TDA, m'a confirmé que le joueur A n'aurait pas du obtenir gain de cause ayant volontairement utilisé un point de règlement afin de le détourner.
Il apparait donc que les obstacles sont nombreux, fédérations n'arrivant pas à s'entendre entre elles, organisateurs et casinos souhaitant conserver leur prédominance et leur règlement, manque de formation d'une partie du personnel, législation nationale, joueurs de mauvaise foi ou ne connaissant pas assez les règles, pourtant il est de l'intérêt de chacun que l'harmonisation des lois s'établissent alors que le poker rentre dans l'âge adulte et que les médias sont de plus en plus nombreux à s'y intéresser.
Il s'agit d'un travail de longue haleine, mais en rien impossible dès lors que tous les intervenants -directeurs de tournois, responsables des grands goupes de casinos, des circuits de tournois et bien sur les représentants de joueurs- acceptent de se réunir et ensemble s'entendent sur un ensemble de règles unique. Le poker de tournoi serait le grand gagnant de cette indispensable harmonisation...